samedi 11 juillet 2015

TIA MARIA OU L'HISTOIRE D'UNE MORTELLE AGRESSION CONTRE LES HOMMES ET L’ENVIRONNEMENT ET LA RESISTANCE D'UN PEUPLE FACE A CETTE AGRESSION.

TIA MARIA
l'histoire d'une mortelle agression contre les hommes et l’environnement et la résistance d'un peuple face à cette agression.
 
 

Description générale du projet Tia Maria

Nature du projet.

Le projet Tia Maria est un projet poly métallique à dominante cuprifère (extraction de cuivre) basée sur l’extraction à ciel ouvert (tajo abierto). Le traitement du minerai suit ensuite le traitement classique de ce type de mine broyage et réduction du minerai en poudre (chancado), lixiviation en pile en milieu acide (solution d’acide sulfurique), raffinage, extraction par solvant organique, concentration de la solution et fixation du cuivre métallique sur des électrodes par électrolyse. Le projet doit produire 120 000 tonnes de cuivre par an.
 
Comme tous les projets miniers, celui-ci sera très impactant sur le plan environnemental, rappelons que la production de chaque tonne de cuivre consomme environ 450 kg d’explosif à base de nitrate d’ammonium (très contaminant), 150 à 200 m3 d’eau, et nécessite l’extraction de 3000 tonnes de roches (100000 tonnes déplacées chaque jour) qui après traitement vont générer autant de dépôts de résidus (relaves) une  source permanente de contamination. Une autre donnée fondamentale est la consommation d’électricité liée à l’électrolyse, chaque tonne de cuivre produite consomme 250KWh.

Une autre particularité du projet sera l’installation d’une unité de dessalement d’eau de mer, rendue nécessaire par la faible disponibilité d’eau douce dans la région, cette unité est elle-même un problème écologique car ce genre d’installation consomme beaucoup d’énergie et produit une grande quantité de saumure (résidus très concentrés en sel), la quantité d’énergie est estimée à 5 kWh par M3, la quantité d’eau à traiter serait de 60000 M3/jour, donc une installation de très grande taille, parmi les plus grande au monde.

Situation du projet.

Le projet est constitué de deux puits à ciel ouvert (Tia Maria situé dans la Quebrada de Cachullo et la Tapada situé elle dans la Pampa Yamayo), en fait sur le plan minier c’est ce dernier site (la Tapada) qui semble le plus prometteur, même si l’ensemble du projet a pris le nom de Tia Maria.
 
 Source : Ministère de l'énergie et des mine - MINEM

Sans présenter les mêmes risques écologiques que Yanacocha ou Conga qui sont directement placés sur les aquifères donnant naissance à des cours d’eau, le projet Tia Maria,  par sa situation dominant la vallée de la rivière el Tambo située à 2 km en contrebas, présente un risque élevé de contamination par infiltration ou ruissellement en cas de pluies torrentielles (el niño).
 
Données financières du projet.
 
Le projet est détenu par la Southern Peru copper Corporation, filiale à 84,6% du groupe mexicain Grupo Mexico.
Investissement total estimé : 1,4 milliards de $
Emploi estimé : 3500 durant la phase de construction (1 an), ensuite 700 durant la phase d’exploitation.

Production annuelle estimée : 120000 tonnes, coût de production par tonne estimé entre 2000 et 2500 $, prix de vente (cour du cuivre mai 2015) : 6000 $ soit un bénéfice à minima (hors amortissement) annuel de (6000-2500) X 120000 = 420 millions de $. Les 5 premières années il faudra tenir compte de l’amortissement des investissements, à partir de la 5° année l’état péruvien peut espérer une rente de 120 millions de dollar annuel, dont la moitié sera reversée au département d’Arequipa au titre du « canon minero », soit environ 60 millions, qui vont aller essentiellement à la ville d’Arequipa et ne vont pas vraiment aider les milliers de paysans de la vallée del Tambo qui seront les personnes directement affectées par le projet.
 
Bien sûr tout ceci si tout se passe bien et que la Southern paye correctement ses impôts sans chercher à gonfler ses coûts de production, comme le fait Yanacocha. Au nom de ces royalties et de cette rente de 60 millions de dollars (presque 200 millions de soles) qui tomberaient dans leurs escarcelles, le maire d’Arequipa Alfredo Zegarra et la présidente régionale Yamila Osorio Delgado, appuient  totalement le projet.

La Southern a déjà d’autres mines en activité au Pérou, Cuajone (environ 180000 tonnes de cuivre par an), Toquepala (130000 tonnes annuelles) et Ilo ou la compagnie a une unité de concentration, raffinage et électrolyse d'une capacité de 250000 tonnes par an. Le projet initial pour Tia Maria devait du reste traiter le minerai à Ilo (transport sur plus de 100km).
 
 La mine de Cuajone

Historique du conflit.
 
L’origine du conflit


La première étude d’impacts environnementaux a été déposée par Southern en juin 2009, le gouvernement péruvien passe alors un contrat d’assessorat avec le bureau des Nations Unies pour le contrôle des projets (UNOPS pour United Nations Office for Project Services). Le rapport de l’UNOPS retoquera sérieusement ‘EAI de Southern avec pas moins de 138 observations. (voir lien n°1 et lien n°2)
 
Source rapport de l’UNOPS

Les habitants de la vallée del Tambo entre temps organisent un front de défense et organisent un référendum local le 27 septembre 2009, dans lequel plus de 90% de la population de la vallée se déclare contre le projet (voir lien n°1 et lien n°2).

Malgré cette mise en cause de l’EAI de la Southern, le gouvernement d’Alan Garcia veut lancer le projet et en 2010 essaye de faire pression sur l’UNOPS pour qu’il révise son jugement. (il faut signaler que la prestation de l’UNOPS qui est en fait un cabinet de conseil estampillé « ONU » n’était pas gratuite, elle était en fait facturée 6 millions de dollars (l’UNOPS contracte des experts dans le monde entiers et ce n’est pas gratuit).
 
En mars 2011 le ministère de l’énergie et des mines refuse ce rapport d’assessorat (et ses 138 observations, dont 3 portent sur des points particulièrement dangereux pour l’environnement) et rompt le contrat qui le lie avec l’UNOPS (voir lien). Cependant, le rapport tombe dans les mains d’un dirigeant du Front de défense de la vallée del Tambo, cela relance la colère des agriculteurs de la vallée et les manifestations commencent des le 16 mars 2011.
 
 


Le 23 mars 2011, les opposants au projet décrètent une grève de durée indéfinie (lien), le gouvernement envoie des renforts de police qui atteignent bientôt un effectif de 5000 hommes (lien). Le gouvernement déclare un pseudo état d’urgence du 27 mars au 10 avril (résolution 113-2011/DE) (lien), autorisant les forces armées à participer à la répression. Les affrontements deviennent vite très violents (lien) et face à cette violence, plusieurs maires de la province décide d'une grève de la faim.


Grève de la faim des maires de la province d'Islay

La police n’hésite pas à utiliser des armes à feu, Le 4 avril, Andres Taype Choquepuma est tué d’une balle dans la poitrine, le 11 avril, 3 personnes meurent  des suites de blessures par balles, Aurelio Huarca Puma, Néstor Cerezo Patana et Miguel Ángel Pino. Ensuite la tension retombe à l’annonce de la suspension du projet. (voir lien 1  et lien 2)
 


En novembre 2013, Southern revient avec une nouvelle étude d’impact environnemental, que le gouvernement d’Ollanta Humala validera officiellement en aout 2014 (lien). La population del Tambo n’a pas confiance ni en Southern, ni dans le gouvernement d’Ollanta Humala et la tension se réinstalle à Cocachacra et dans la province d’Islay. Le 19 décembre 2013 à Cocachacra, le gouvernement et la Southern organisent une audience publique ou ne sont conviés que les sympathisants du projet (lien 1 et lien 2), les opposants eux ne peuvent même pas accéder à l’audience, puisque 4000 policiers ont été envoyés pour leur en interdire l’accès, dont 1200 bloque directement l'accès au local ou se déroule l'audience "publique" (lien). Néanmoins, le gouvernement décrète que le projet a obtenu la « licence sociale » (lien).
 
 
4000 policiers déployés dans la province d'Islay et dans les rue de Cocachacra pour "protéger" l'audience publique du projet Tia Maria - en fait pour interdire l'accès aux opposants
 
 
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En mars 2015, la Southern annonce le démarrage de son projet (dont l’EAI a été officiellement accepté par le gouvernement en aout 2014), la population del Tambo qui n’a jamais accepté ce projet reprend les manifestations.

Les évènements actuels.

Début mars 2015, le gouvernement parle d’instaurer des réunions de dialogue, cette « mesa de dialogo » n’a rien d’un dialogue, sa seule vocation est de servir les intérêts du gouvernement qui veut imposer le projet coûte que coûte.
 
Manifestation – place centrale d’Arequipa

Le 23 mars démarre une grève générale dans la province d’Islay, les manifestations sont quasi quotidiennes et la répression s’intensifie ; le 22 avril Victoriano Huayna Nina, un agriculteur de 61 ans prend une balle dans la cuisse qui lui fracture le fémur et tranche l’artère fémorale, il décède des suites de l’hémorragie, le 5 mai Henry Checlla Chura meurt également des suites d’une blessure par balle lors d’une manifestation à Mollendo (Lien ). Le lendemain un policier de 51 ans, Alberto Vásquez Durand, meurt des suites d’une grave blessure à la tête. Le 23 mai le gouvernement péruvien décrète l’état d’urgence pour 60 jours (lien), ce qui officialise l’utilisation des forces armées en appui du dispositif répressif, forces armées déjà déplacées sur place depuis plus d’un mois. L’état d’urgence permet surtout la limitation des droits des citoyens, notamment le droit de circuler et le droit de manifester, l’état d’urgence permet aussi l’instauration d’un couvre feu.
 

22 avril - Victoriano Huayna Nina vient d’être atteint par une balle dans la cuisse,
il décèdera peu après des suites de l’hémorragie.

En juin le conflit baisse d’intensité, car les agriculteurs del Tambo doivent s’occuper de leurs récoltes et en particulier de la récolte du riz. Néanmoins le conflit n’est pas terminé, puisque le gouvernement au lieu de calmer les esprits entreprends une « chasse aux sorcières » contre les leaders du mouvement et contre les maires des localités de la vallée del Tambo. Pepe Julio Gutiérrez, président du Front de Défense de la Vallée del tambo, l’un des principaux leaders de la contestation a été condamné à 9 mois de prison et interné dans le pénal de Socabaya (lien).
 
Pepe Julio Gutiérrez, lors de son arrestation.

Organisation et de la résistance.

La structuration de la lutte contre ce projet minier s’est faite naturellement, en effet 80% des habitants de la vallée del Tambo vivent de l’agriculture, ils ont aussi une longue expérience de la présence de l’activité minière dans la région et ils connaissent bien la Southern et son irresponsabilité, ils ont vu péricliter l’agriculture dans plusieurs vallées de la région (notamment les vallées des rivières Locumba, Sama et Osmore), toutes ces rivières ont vu leur débit chuter drastiquement par les effets combinés du réchauffement climatique et de l’activité minière qui, non seulement consomme des quantités astronomiques d’eau, mais qui en plus la contamine et la rend inutilisable.
 
Pour les agriculteurs de la région, c’est ou la mine ou l’agriculture, la cohabitation en l’état est impossible. La vallée del Tambo est la dernière vallée fertile et productive dans la région, une des dernières oasis de verdure qui fait vivre 13000 personnes.
 
 Vue satellite de la vallée del Tambo une oasis qui fait vivre 13000 personnes.

Dés les premières menaces, c'est-à-dire dés 2008 se constitue un front de défense qui allait devenir le FDVT (Frente de Defensa del Valle del Tambo), avec comme premier objectif organiser une consultation dans laquelle, le 27 septembre 2009, plus de 90% des habitants de la vallée se déclare contre le projet, le refus du gouvernement de prendre en compte ce scrutin conduit à la première mobilisation les 27 et 28 octobre 2009. Ce front de défense de la vallée del Tambo est la colonne vertébrale de la résistance, ses membres sont essentiellement des agriculteurs de la vallée et son président est Pepe Julio Gutiérrez depuis la constitution du Front en 2009.

Il faut mentionner que Pepe Julio Gutiérrez, a fait l’objet de très nombreuses menaces, de persécutions par le gouvernement péruvien, d’accusation de corruption et d’un attentat le 2 décembre 2010, qui a fait l’objet d’une information de l’ APRODEH (organisation des droits de l’homme du Pérou) et relayé en France par la FIDH (lien). Aujourd’hui il est en prison, condamné à 9 mois de prison préventive, pour une affaire de corruption dite « de las lentejas » dans laquelle il est accusé de demander de l’argent à la Southern pour arrêter les manifestations et pour une crainte supposée d’un possible délit de fuite, une affaire qui bien sûr tombe à pic pour la Southern et pour le gouvernement.

Mais, l’opposition des agriculteurs est inébranlable et l’éventuelle mise hors circuit du président du FDVT n’altère en rien la mobilisation, car ce conflit n’est pas l’affaire d’un homme, c’est toute une vallée qui vit de l’agriculture et qui refuse massivement ce projet minier et comme on le voit dans la manifestation du 9 juillet à Arequipa, elle ne faiblit pas, au contraire.

Manifestation à Arequipa le 9 juillet 2015
 
Les campagnes de calomnies, de manipulations et de dénigrement dans les medias
 
Comme en janvier 2014 contre les opposants au projet Conga, les grands médias péruviens ont déclenchés une campagne de dénigrement systématique des opposants au projet minier, les « antimineros » ou opposants aux projets miniers sont devenus officiellement des terroristes (lien et lien ).
L’un des leaders de l’opposition aux mégaprojets miniers et fondateur de Tierra y Libertad, le prêtre Marco Arana a été décrit comme le successeur d’Abimael Guzman, fondateur du sentier lumineux (lien), la haute hiérarchie cléricale (dont la plus haute autorité le cardinal Cipriani, archevêque de Lima est actionnaire de compagnie minière) l’a exclu de l’Eglise (lien) (il était déjà suspendu de ses activités de prêtre depuis 2011, suite à son opposition au projet Conga).
 
 
 Marco Arana
 
Une véritable « chasse aux sorcières » est déclenchée contre les leaders et les maires des communes d’Islay qui ont participé ou appuyé les manifestations. C’est en particulier le cas du maire de la commune de Deán Valdivia, Jaime de la Cruz, dont l’élection est invalidée et qui est menacé de 4 ans d’emprisonnement pour son opposition à Tia Maria (lien).
 
Jaime de la Cruz
 
La presse n’hésite pas à monter des « coups » avec la police, comme par exemple dans le cas de Antonio Coasaca Mamani , un agriculteur capturé par les forces de l’ordre et auquel on place de force un objet contendant dans la main, un photographe du journal « El Correo » d’Arequipa prend alors la photo du malheureux avec l’objet et l’article qui suit est éloquent : les opposants au projet Tia Maria sont des violents et sont armés. Sauf que dans ce cas une personne filmait la scène, la video tourne en boucle dans les réseaux sociaux et le scandale éclate (lien).
 
La police place un objet contendant dans la main  d’ Antonio Coasaca Mamani
 
Comme en 2014, des ONG qui dénoncent les exactions et la violence de la police sont accusées de financer le terrorisme anti-minier, a tel point que l’ambassadrice de l’UE à Lima, Irene Horejs, doit écrire une lettre de protestation au ministère des affaires étrangères du Pérou (lien et lettre).
 
 
Les soutiens nationaux et internationaux à la lutte des habitants del Tambo
 
Bien sûr de nombreuses manifestations de soutien aux habitants de la province d’Islay qui doivent faire face à la violence de la répression, se sont organisées dans différents endroits, malgré le relatif silence des grands médias internationaux (par exemple pas un mot sur les chaînes françaises TF1, A2, FR3, seule Arte a parlé du problème en reprenant ce qui était sorti à la télévision allemande.
 
Parmi les appuis nationaux, il faut citer l’appui de la CUNARC (lien) et des rondes paysannes, notamment celles de Cajamarca (qui vivent un conflit du même type avec l’entreprise Yanacocha) , la CNA (Confederacion Nacional Agraria) (lien), des communautés autochtones de la région de Puno et de Cusco (lien), des mouvements de jeunes, qui ont organisés plusieurs manifestations dont certaines durement réprimées, notamment à Lima (lien) et bien sûr l’appui d’un certain nombre de mouvements politiques de gauche, entre autre Tierra y libertad et le MAS et de certains députés entre autres Jorge Rimarachin (lien) et Veronika Mendoza.
 
Manifestation de soutien à Lima
 
Marche de soutien à Cusco.
 
Les soutiens internationaux sont venus de Belgique, de France, de Suède, d’Italie, d’Espagne, d’Allemagne, des USA, nous citerons entre autres :
  • Le colloque organisé au Sénat français le 22 mai 2015, sur le thème de l’extractivisme et qui a fait une large part sur les évènements dans la province d’Islay (lien).
  • La lettre à Ollanta Humala de 19 députés du parlement suédois du 29 mai 2015.
  • La lettre ouverte à Ollanta Humala cosignée par 300 intellectuels, dont Noam Chomsky en date du 2 juin 2015 (lien).
  • La déclaration du Réseau syndical international de solidarité et de luttes (laboursolidarity.org)  du 10 juin 2015, cosignées par une centaine d’organisations du monde entier (lien 1 et  lien 2).
Accueil des délégués péruviens à Orly, pour le colloque du 22 mai au Sénat

Manifestation à Bruxelles pour la visite d’Ollanta Humala du 10 juin
 
Manifestation de soutien à Berlin le 7 juillet.

Le tragique bilan de la gestion du gouvernement péruvien.
 
C’est donc 7 morts (4 en 2011 et 3 en 2015) le tragique bilan de la gestion de ce conflit par les  gouvernements péruviens successifs. Derrière ces morts, il y a les centaines de blessés, certains garderont des séquelles à vie ou resteront invalides, il y a les veuves et les orphelins.
 
Du nord au sud se construit une solidarité contre les grands projets miniers.
 
Les habitants de la vallée del Tambo ont reçu l’appui de nombreuses organisations nationales et internationales. Tia Maria a rejoint Conga dans les luttes les plus emblématiques contre les mega-projets destructeurs imposés par la force

Manifestation à Celendin le 27 mai

Toutes les organisations de Cajamarca qui ont lutté et qui continue de lutter contre le méga-projet minier Conga, ont appuyés la lutte contre le projet Tia Maria, le FDAC (Frente de Defensa Amiental de Cajamarca), les organisations de rondes paysannes, la CUNARC, la PIC (Plataforma Interinstitucional Celendína).

La Mamapachapa Unanchan ou bannière de la Terre Mère est la plus grande bannière écologique au monde, elle a été réalisée à Celendin pour le sommet des peuples de Lima en décembre 2014, aujourd’hui elle mentionne la lutte des habitants del Tambo.

Progressivement se met en place une résistance qui n’est plus seulement locale mais qui devient nationale.  Le gouvernement ne sait répondre qu’à coup de répression sanglante ou d’état d’urgence, face à cela seule une mobilisation nationale et internationale peut permettre d’obliger le gouvernement à reculer. La lutte contre le méga-projet  Conga a été la première à prendre une dimension internationale et à sortir des frontières du Pérou, Tia Maria est la seconde.

Passifs socio-environnementaux et irresponsabilité de la Southern.

La maison mère : Grupo Mexico.

Le 19 février 2006, plusieurs tunnels d’extraction de la mine de charbon Pasta de Conchos (Coahuila Mexique) s’effondrent  suite à une explosion de gaz et 65 mineurs meurent. L’enquête a révélé de très lourdes négligences dans la sécurité de la mine (.lien)
 
Grupo Mexico est à l’origine de l’une des pires catastrophes environnementales dans l’état de Sonora au Mexique dans une mine de cuivre appartenant au groupe, le 6 aout 2014, 40000 M3 de résidus miniers sont déversés dans le fleuve Sonora qui est totalement contaminé sur une longueur de 200 km, l’accident contamine également les nappes phréatiques et plus de 300 puits sont contaminés, une situation dramatique dans cette région particulièrement sèche (lien). Pour l’instant le groupe fuit ses responsabilités aidé en cela par sa proximité avec le pouvoir.

Contamination du rio Sonora

En Espagne, le groupe est impliqué dans une sombre affaire d’irrégularités dans l’adjudication de la mine Aznalcóllar en Andalousie (lien).
Le groupe est également impliqué dans de nombreuses violations des règlementations sur le travail.

La filiale péruvienne Southern.

En 2007 des mesures effectuées sur la centrale de raffinage de la Southern à Ilo, montre que cette centrale ne respecte pas les règles sur les émissions. Les rejets en mer contiennent notamment un taux d’arsenic 8 fois supérieurs aux normes. D’autre part les fumées émises contiennent des taux en métaux lourds très largement supérieur aux normes. Southern est condamnée en 2015 (8 ans après les faits et en plein milieu du conflit pour Tia Maria) à verser une amende d’un million de dollar, une peine de prison de 2 ans contre son président est également évoquée (lien), néanmoins les appuis politiques du groupe finissent par avoir raison des accusations (lien).
 
Diverses études dans la région d’Ilo montrent du reste une forte augmentation des maladies respiratoires et de la contamination de l’air depuis la mise en place de la centrale de raffinage de Southern (lien)

Centrale de raffinage de la Southern à Ilo

Depuis le début de ses activités au Pérou la compagnie a déjà été condamnées une quinzaine de fois pour de graves passifs environnementaux, mais le plus grave est la destruction de l’agriculture par la captation de l eau. En effet, l’activité minière à grande échelle exige des quantités astronomiques d’eau de bonne qualité, hors la région d’Arequipa est une région sèche qui dépend entièrement des aquifères andins pour pouvoir se maintenir.
 
Les 2 mines en activités de la Southern produisent plus de 300000 tonnes de cuivre par an, ce qui sous-entend une consommation de l’ordre de 60 millions de M3 d’eau par an (2 m3 par seconde) à minima. Une telle consommation dans une région déjà en stress hydrique est une folie, la Southern est déjà responsable de la baisse de l’activité agricole dans les vallées de la région de Mocquegua. La baisse des débits des rivières provoquent également une concentration des polluants liés aux énormes quantités de résidus miniers (de l’ordre de 900 millions de tonnes par an) produites par Southern.
 
Cette problématique du stress hydrique qui rend l’agriculture de plus en plus difficile, associée avec la contamination environnementale et les problèmes de santé qui lui sont associés constituent les composantes majeures du conflit. N’oublions pas qu’un quatrième projet du même acabit est prévu dans la région, le projet Quellaveco devrait démarrer dans les 2 ans à venir (négociation en cours entre Southern et Anglo American).

Conclusion

De la conception du gouvernement péruvien en matière de démocratie.

Tout d’abord, nous nous devons de nous interroger sur la conception de la démocratie qu’a actuellement le gouvernement péruvien, depuis son élection en 2011, le gouvernement d’Ollanta Humala a renforcé de manière incroyable les outils de la répression, notamment par l’adoption de lois telle la n°30151 du 13 janvier 2014 qui exonère de toute responsabilité pénale les forces de police qui seraient amenées à blesser ou à tuer des citoyens durant leurs opérations. Les 214 conflits sociaux qui ont marqué le gouvernement d’Ollanta Humala ont provoqué 57 morts, de ces 214 conflits sociaux, 118 sont des conflits strictement sociaux-environnementaux et ont provoqués la majorité des de ces 57 décès (plus de 40).
 
Que penser également de la volonté démocratique d’un gouvernement qui a recouru officiellement 3 fois à l’état d’urgence (Cajamarca en 2011 et 2012, Islay en 2015) et l’a également utilisé d’une manière officieuse dans 7 départements du pays (Apurímac, Ayacucho, Cajamarca, Cusco, Moquegua, Puno et Tacna) avec la résolution Nº 118-2015-IN du 26 mai 2015.
 
Rappelons également que le Pérou a déclaré qu’il n’appliquerait aucune des mesures de protections demandées par la CIDH (Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme), aussi bien celles de mai 2014, concernant 46 personnes, incluant  opposants au projet minier Conga, membres des rondes et communautés paysannes, la famille Chaupe et 2 journalistes de Cajamarca, que celles de mai 2015, concernant Gregorio Santos Guerrero, président élu de Cajamarca et maintenu en prison depuis plus d’un an, dans des conditions particulièrement difficiles, pour son opposition au projet minier Conga.
 
Enfin, étrange conception de la démocratie, quand on criminalise les opposants aux projets imposés par la force, quand on jette en prison des maires ou des présidents de région démocratiquement élus, parce qu’ils ont eu le malheur de s’opposer aux desseins du gouvernement.
 
De la conception du gouvernement péruvien en matière d’environnement
 
On peut également considérer comme pour le moins étrange l’attitude du gouvernement péruvien en matière d’environnement, un gouvernement qui, rappelons le, a accueilli la conférence mondiale sur le climat ou COP20 en décembre 2014, et qui n’a eu de cesse de faire disparaître toutes les barrières légales contre la destruction environnementale, notamment par les multiples « paquetazos » (nom péruvien donné à ces « paquets » de mesures) environnementaux émis par le gouvernement péruvien, en 2014 (loi 30230) et 2015 (loi 3941) qui ignorent les peuples et réduisent les études d’impacts environnementaux  des grands projets (EIA) à de simples formalités.
 
Il faut signaler que ces paquets de mesures violent les droits de peuples autochtones, inclus dans la convention n°169 de l’OIT que le Pérou a ratifié en 1994 et dans la déclaration de l’ONU de 2007. Enfin, ces mesures ne respectent en rien la déclaration de l’ONU de 2010 sur les droits à l’eau, ni les droits constitutionnels du peuple péruvien à disposer d’un environnement sain et non contaminé.
 
De la COP20 à la COP21, du Pérou à la France.
 
Malgré que les 3 visites que le président Humala a faites en France depuis son élection soient passées quasiment inaperçues dans la presse française, les relations entre la France et le Pérou sont au beau fixe. D’ailleurs François Hollande devait lui-même aller au Pérou en janvier 2015, mais les attentats survenus à Paris en ce mois de janvier  ne l’ont pas permis.
 
 

Si les entreprises françaises ne sont pas directement impliquées dans l’exploitation minière, elles le sont indirectement à travers l’ingénierie et les services et dans les grands projets de barrage (destinés surtout à alimenter l’extraction minière en énergie) elles sont par contre bien présentes dans le domaine de l’exploitation pétrolière en Amazonie (Perenco, Maurel & Prom).  Mais le plus notable, est cette collaboration entre les forces de police et de gendarmerie françaises, avec leurs homologues péruviennes, collaboration commencée en 2012 et qui concernent des actions de formation et aussi des ventes d’armes et même d’hélicoptères (5 EC145 vendus en 2012).
 
Actions de formation et vente d’armes à une police qui est exonérée de toutes poursuites pénales et qui n’hésite pas à utiliser des armes à feu dans ses opérations de répression !!.
 
Mais François Hollande ne se pose pas ce genre de question, d’ailleurs il reçoit aussi le président du Mexique Enrique Peña Nieto, comme invité d’honneur  lors des commémorations du 14 juillet, coïncidence ? Monsieur Peña Nieto vient d’être décoré par Ollanta Humala à Lima ce 2 juillet, surement que François Hollande et Peña Nieto auront d’autres sujets de conversation que les 43 étudiants de l’école normale d’Ayotzinapa disparus il y a 10 mois.
 
Les présidents du Mexique Enrique Peña Nieto et du Pérou Ollanta Humala Tasso
 
Etrange, mais où en est t-on des objectifs fixé pour la COP21 ? Pour l’instant il y a encore une coïncidence avec le Pérou, elle se déroulera à huit clos, dans un endroit isolé (en l’occurrence au Bourget) où ne seront admises que les personnes dûment accréditées par la CCNUCC (Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques). Pas de manifestants bruyants ou de banderoles gênantes donc, on reste entre « gentlemen », avec des représentants de la société civile « triés sur le volet ».
 
Pendant que des « gentlemen » se préparent à discuter tranquillement du climat à Paris, à 11000 km de là des paysans tant au Nord comme au Sud du Pérou, continuent de lutter avec courage et détermination pour leur survie, face à un gouvernement qui veut les faire disparaître, pour les remplacer par une activité bien plus rentable à court terme, mais qui n’a pas de futur. Cette lutte courageuse et inégale, il est de notre devoir de la soutenir et de la faire connaître, car les agriculteurs de Cajamarca ou de la vallée del Tambo, eux ne contribuent pas au réchauffement climatique, contrairement au modèle extractiviste destructeur que le gouvernement péruvien essaie d’imposer par la force.
 
CONGA NO VA – TIA MARIA TAMPOCO
 

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